Ma Vie Chez Les Milliardaires Russes

Sous un soleil de plomb, j'entrevois l'embarcation. La concurrence est rude. Long d'une petite soixantaine de m?tres, avec sa coque noire et ses ?tages blancs, le pied-?-terre flottant des Sokolov n'occupe que la deuxi?me ou troisi?me place en termes de grandeur dans le palmar?s des yachts priv?s amarr?s au port. Mais l'honneur est sauf: privil?gi?, mon patron b?n?ficie d'un anneau factur? ? 2 000 euros cash par jour au lieu des 1 000 indiqu?s sur la grille des tarifs.

Le luxe ? Un plaisir. Une routine. Peut-?tre m?me une obligation quand on devient milliardaire en Russie. Engloutir du caviar au petit-d?jeuner, prendre une le?on de golf en pleine mer, multiplier les allers-retours en jet priv? et les titres de propri?t? sur chaque continent du monde, c'est le minimum syndical.
Marie Freyssac a v?cu comme pr?ceptrice fran?aise ? Moscou. Sayn?te apr?s sayn?te, elle nous ouvre les portes d'un monde opaque, qui r?volte autant qu'il fascine, celui des oligarques fiers de leur r?ussite, qui exhibent volontiers leurs liasses de billets et paient tout au prix fort, jamais rassasi?s apr?s avoir ?t? ?lev?s au biberon du communisme. Et quand elle quitte les alentours de la Roubliovka, c'est pour retrouver la rue, les babouchkas vendeuses ? la sauvette, les Caucasiens pas toujours en odeur de saintet?, la vodka moins festive qu'arme de destruction massive, en bref, le quotidien parfois ?pre des Moscovites, que la jeune nounou croque avec la juste combinaison d'impertinence et de dr?lerie.